Life, so sweety

Life, so sweety

Tristan Corbière

Un auto-portrait.

Tristan Corbière (1845-1875) s'est amusé, lors d'une trop brève existence, à se déguiser en forçat, en femme ou en mendiant...

Ce poète maudit a souvent été surnommé l'Ankou, symbole de mort dans la mytholgie celtique, de par sa maigreur maladive et son allure disloquée .

L'Ankou

Les Amours jaunes : son unique recueil de poèmes, auquel Verlaine a rendu un hommage postmortem, est très méconnu. Son oeuvre reflète l'homme : vulgaire, aux images crues, se préoccupant aucunement de l'orthographe ou de règles élémentaires de syntaxe et utilisant la pnctuation à outrance... brisant ainsi la poésie classique.

Un précurseur ce jeune poète.

Et pourquoi étaient-elles jaunes ses Amours ? Probablement que ce titre renvoie au rire jaune, il était en continuelle révolte contre l'existence, au sarcasme, ou à l'autodérision et sans aucun doute, à la trahison.

 
Le Crapaud
Un chant dans une nuit sans air...  
- La lune plaque en métal clair  
Les découpures du vert sombre.    
... Un chant ; comme un écho, tout vif  
Enterré, là, sous le massif...  
- Ça se tait : Viens, c'est là, dans l'ombre...    
- Un crapaud ! - Pourquoi cette peur,  
Près de moi, ton soldat fidèle !  
Vois-le, poète tondu, sans aile,  
Rossignol de la boue... - Horreur ! -    
... Il chante. - Horreur !! 
- Horreur pourquoi ?  
Vois-tu pas son œil de lumière...  
Non : il s'en va, froid, sous sa pierre. 
 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  
Bonsoir - ce crapaud-là c'est moi.
 
Insomnie

  Insomnie, impalpable Bête ! 
N'as-tu d'amour que dans la tête ? 
Pour venir te pâmer à voir, 
Sous ton mauvais oeil, l'homme mordre
Ses draps, et dans l'ennui se tordre !... 
Sous ton oeil de diamant noir.

Dis : pourquoi, durant la nuit blanche, 
Pluvieuse comme un dimanche, 
Venir nous lécher comme un chien : 
Espérance ou Regret qui veille. 
A notre palpitante oreille 
Parler bas... et ne dire rien ?

Pourquoi, sur notre gorge aride, 
Toujours pencher ta coupe vide
Et nous laisser le cou tendu,
Tantales, soiffeurs de chimère : 
- Philtre amoureux ou lie amère 
Fraîche rosée ou plomb fondu ! -

Insomnie, es-tu donc pas belle ?... 
Eh pourquoi, lubrique pucelle, 
Nous étreindre entre tes genoux ? 
Pourquoi râler sur notre bouche, 
Pourquoi défaire notre couche, 
Et... ne pas coucher avec nous ?

Pourquoi, Belle-de-nuit impure, 
Ce masque noir sur ta figure ?... 
- Pour intriguer les songes d'or ?... 
N'es-tu pas l'amour dans l'espace, 
Souffle de Messaline lasse, 
Mais pas rassasiée encor !

Insomnie, es-tu l'Hystérie...
Es-tu l'orgue de barbarie 
Qui moud l'Hosannah des Élus ?... 
- Ou n'es-tu pas l'éternel plectre,
Sur les nerfs des damnés-de-lettre, 
Raclant leurs vers - qu'eux seuls ont lus.

Insomnie, es-tu l'âne en peine 
De Buridan - ou le phalène 
De l'enfer ? - Ton baiser de feu 
Laisse un goût froidi de fer rouge... 
Oh ! viens te poser dans mon bouge ! ... 
Nous dormirons ensemble un peu.

http://www.florilege.free.fr/corbiere/les_amours_jaunes.html



21/02/2007
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 32 autres membres