Les morts ont tous la même peau, Vian
Les morts ont tous la même peau (1947)
Extrait :
Je n'allai pas tout de suite dans la chambre, et j'entrai sans bruit vers la salle de bains dont la fenêtre était ouverte. Je me déshabillai et pris une douche, mais l'étrange sentiment qui s'était emparé de moi résistait à l'eau fraîche mieux que n'importe quelle ivresse, et je m'en aperçus tandis que j'essuyais ma peau froide avec la serviette de bain. Je laissai là mes vêtements et je passai chez Sheïla.
Elle dormait, complètement découverte, la veste de son pyjama dégageait sa poitrine parfaite, et ses cheveux dénoués lui cachaient en partie le visage. Je m'étendis à côté d'elle et la pris dans mes bras pour l'embrasser, comme je le faisais tous les soirs. Sans ouvrir les yeux, elle s'éveilla vaguement et me rendit mes baisers, puis s'offrit à mes mains impatientes et je la déshabillais complètement. Elle gardait obstinément les paupières closes, mais je savais qu'elle ouvrirait les yeux lorsque je l'écraserais de mon poids. Je caressais ses bras frais et ses hanches doucement arrondies. Elle allait au devant de mes caresses et murmurait des mots vagues et tendres.
Je continuai à l'embrasser et à toucher son corps tiède et ferme - et quelques minutes s'écoulèrent. Elle attendait, visiblement, que je la prenne - je ne bougeais pas. Je ne pouvais rien faire. Sheïla ne se rendait pas compte encore - et moi, je venais de m'apercevoir que je restais froid sous ses baisers, que sa chair n'éveillait pas la mienne - que tout ce que je faisais, je le faisais machinalement, par habitude. J'aimais sa forme, j'aimais la fermeté de ses jambes longues et le triangle doré de son ventre, et j'aimais les pointes brunes et charnues de ses seins ronds , mais je les aimais d'un amour inerte, comme on aime une photographie.
Erostime et violence, de quoi échauffer les esprits en cette fin 40.
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